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Le blog des Poudreurs d'escampette
17 novembre 2014

P168 — Chute libre... — Joëlle

 

Chute libre4

   Ils avaient beaucoup bu ce soir là, ce soir là mais aussi cet après-midi là et ce matin là. En bref ils avaient picolé non stop depuis le lever du soleil. Vers 23 h, Gontran s’en était pris à Irène pour un vieux fond de bourbon millésimé qu’il prétendait se réserver. Quant à elle, ses onomatopées avinées montraient bien qu’elle ne comptait pas lui laisser le moindre fond ni la moindre goutte de la bouteille incriminée. Il y avait de l’orage dans l’air. A minuit, la tension était palpable et le couple n’avait plus de couple que leur nom commun.

   La haine était remontée en surface balayant vingt-cinq années de tant bien que mal. Irène ne supportait plus ce ventre mou d’époux, elle avait même ajouté haut et fort qu’il n’y avait pas que le ventre qui était mou chez lui… Gontran avait roté sous l’insulte, il avait rétorqué en grognant que chez tout humain normalement constitué le cerveau était une matière molle.  Il avait aussi, lourdement suggéré que le postérieur de son épouse n’était plus ferme depuis des lustres… En fait, l’avait-il jamais été ? Il lui avait alors affirmé qu’elle était une femme spongieuse !

   Irène avait zigzagué jusqu'au Toshiba, Google lui avait expliqué le terme.  Outragée, elle retourna au salon tentant en vain de rentrer tout à la fois le ventre et l’arrière-train. L’entreprise était vouée à l’échec, elle s’en rendit très vite compte et pour compenser, se mit à balancer la vaisselle du bahut. Le bruit lui plaisait, les assiettes de porcelaine blanche chantaient joyeusement en se brisant au sol. Elle n’aima point toutefois le bruit des verres cassés, elle avait toujours détesté les verres vides et en ce moment même, ils étaient non seulement vides mais en mille morceaux écrasés sous ses pieds. Les verres brisés gémissaient lamentablement.

   Gontran était émerveillé par un tel débordement d’énergie, il n’avait jamais vu Irène aussi dynamique et enthousiaste. Il resta un moment admiratif devant cette plantureuse virago. Pour un peu, s'il avait moins bu et encore pu, il l’aurait bien honorée sur ce lit de vaisselle cassée.

   Il se ressaisit très vite, laissant sa rage conjugale et sa soûlographie chronique reprendre la situation où elles étaient restées avant sa minute d’égarement libidineux. Il courut à la chambre et vida la penderie de son épouse. Il entassa les vêtements sur la vaisselle cassée et se soulagea interminablement sur les frusques de la dame. 

   Irène ne put supporter ce sacrilège suprême et se jeta sur Gontran, les ongles frappèrent les yeux, lacérèrent le visage, accrochèrent les cheveux de son époux. Elle le prit enfin au bas-ventre, lui saisit le sexe férocement et partit d’un rire hystérique ininterrompu.

   Il sut alors qu’il devait en finir, la harpie ne cesserait point son harcèlement. Elle avait lâché les chiens, elle ne reviendrait plus en arrière, elle continuerait à rire le reste de sa vie. 

   Alors il la poussa. Il poussa avec une force décuplée par la haine, par l’alcool qui pulsait dans ses veines, par des décennies de frustrations et de déceptions. Il poussa Irène jusqu’à la porte fenêtre, la poussa sur le balcon-terrasse et dans un formidable ahanement, la souleva du sol et la fit basculer dans le vide. 

   Elle plana un moment puis tomba comme une pierre et s’écrasa sur le bitume, six étages plus bas. 

   Gontran surveilla l’atterrissage mais eut vaguement l'impression qu’Irène bougeait encore. Il courut chercher ses jumelles dans le placard de l’entrée pour vérifier. Effectivement le corps de son épouse était agité de soubresauts ponctuels et elle agitait sporadiquement les jambes. 

   La rage de Gontran gonfla alors comme une grand voile sous force 10. Il fallait en finir avec cette harpie. Perfectionniste à l’extrême, il se devait de terminer l’ouvrage. Il avait l’œil et sentait bien le vent, son lointain passé de parachutiste lui avait appris comment se diriger dans le vide pour atteindre une cible précise.

   Gontran enjamba donc la rambarde de son balcon, un sourire sardonique aux lèvres. Sa chute libre allait fatalement lui faire percuter le corps d’Irène, ce dernier coup lui serait fatal et achèverait définitivement son épouse. 

   Mission accomplie. Objectif atteint cinq sur cinq.

 

 

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  • Les Poudreurs d'escampette sont des conteurs, des rêveurs, des plumes de grand talent, des débutants, qui ont envie de partager leur imaginaire, sur un atelier créé et animé par Cath, pour écrire et échanger autour de propositions mensuelles.
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Changement d'adresse

poudreurs

   L'espace d'hébergement précédent étant devenu inconfortable, l'auberge des Poudreurs d'escampette a émigré chez canalblog. Nous allons à nouveau proposer à la lecture publique quelques textes choisis parmi les nombreuses productions mensuelles de l'atelier. Si le coeur vous en dit n'hésitez pas à venir nous rejoindre à l'auberge en envoyant un message à l'adresse suivante, vous y serez les bienvenus !
poudreursdescampette-subscribe@yahoogroupes.fr

Naissance d'un petit cousin

Feuille_érable  
   Les poudreurs d'escampette sont heureux de vous annoncer la naissance d'un petit cousin canadien né à Ottawa il y a peu. Nous lui souhaitons longue vie et beaucoup de créativité.

http://plumesdicietdailleurs.blogspot.ca

Propositions en cours

P210 – Mythologie au goût du jour

P210  
Trouvez dans cette liste le titre de votre nouvelle. Elle devra se dérouler à l’époque actuelle.

Le supplice de Tantale – Le tonneau des Danaïdes – La boite de Pandore – Le talon d’Achille – Le rocher de Sisyphe – Les écuries d’Augias –

P211 – Sur l’écran noir…

P212  

Parmi ces 6 répliques cultes de cinéma, vous en choisirez deux. La première servira d’incipit et la deuxième d’excipit à votre nouvelle

 
“ Les choses que l’on possède finissent par nous posséder” Fight Club. C’est l’angoisse du temps qui passe qui nous fait tant parler du temps qu’il fait” Amélie Poulain“. On peut convaincre tout le monde qu’on a changé mais jamais soi-même.”  Usual Suspect.  “La prochaine fois, y aura pas de prochaine fois.” Les sopranos“. La folie, comme tu dois le savoir, c'est comme la gravité: ça ne réclame qu'une petite poussée!”.Le joker. Il vaut mieux s'en aller la tête basse que les pieds devant.” Archimède le clochard

 P213 – Concours de nouvelles

Les poudreurs s’associent au concours de nouvelles organisé par notre petit cousin canadien « Plumes d’ici et d’ailleurs » . 
Vous enverrez dans un premier temps votre proposition aux poudreurs (vous avez jusqu’à fin décembre) et dans un deuxième temps vous pourrez vous inscrire et participer au concours de nouvelles en envoyant votre texte ( peut-être remanié).

 

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