P209 — Rien d'autre — Zélodie
Chère Marie,
Je reviens de trois mois de silence complet et vois à ma liste de mails que tu m'as cru disparue. Je m'octroie pourtant chaque année ces 12 ou 13 semaines de retraite. C'est l'oubli complet , l'amour et les forets, rien d'autre.
Oh ce n'est pas Eros émerveillé j'ai passé l'âge mais une tendresse légère au gout de pépins de pommes et de groseilles, le ravissement des innocents.
Cette année j'ai voulu voir ma cousine Hilda, qui traduit Joël Dicker en allemand. C'était la mauvaise idée de l'été. Mon époux descendant de ses arbres a décrété que ce serait fatigant avec toute la ribambelle d'enfants de sa famille recomposée. La maison est en perpétuelle ébullition et la pauvre cousine oscille entre l'urgence et la patience. Notre seul bénéfice fut de prendre quelques kilos en tombant dans une vraie boulimie concernant le fromage. Les camemberts fermiers et autres neufchatel, les pont-l'eveque affinés à la cave étaient sublimes et nous avons succombé à la gourmandise au mépris des conseils avisés du cousin médecin.
Je ne suis restée qu'une semaine et m'oblige, depuis, au régime. je te joins quelques photos volées prises par les enfants lors de nos écarts de table. Tu connais mon horreur psychotique de l'objectif et ma nervosité proverbiale quand je dois prendre la pose. Cette fois mes rides et mon âge semblent disparaitre dans une gourmandise riante. Je ne t'en dis pas plus, tu vas bien rire de mes joues rebondies et des mes airs extasiés.
Mes nuits sont calmes, je n'ai plus ces pannes de sommeil au petit matin, à ce moment où, avec le jour naissant, on ne peut plus dormir tranquille quand a une fois ouvert les yeux. C'est mon moment favori pour attraper la plume et écrire mes meilleures pages. J'entends d'ici ton soupir !
Je n'ai touché ni la plume ni le clavier. Quel soulagement pour moi d'oublier un été les splendeurs et miséres de l'écrivain débutant en me retirant à la campagne. Je sais l'éditrice en toi desapprouve... j'étais sur la bonne voie, j'avais trouvé mon style et et... non je ne baisse pas les bras devant les relctures, les corrections ... non je me ressource noyée dans le parfum des roses, bercée par l'épluchage des pommes reinettes au chant des oiseaux. Bref malgré la météo changeante et toutes ces complaintes sur la pluieje rentre revigorée de mon séjour dans le Bray. tu vas me retrouver prête à ferrailler contre la ponctuation, fervente adepte du dictionnaire des synonymes et d'attaque pour reprendre tous mes chantiers. L'éditrice passionnée que tu es en seras ravie, j'en suis sure
Toutes mes amitiés avant nos retrouvailles parisiennes
Nathalie