P208 — Page ou l'intangibilité du ciel — Raynald
Il me serre dans sa main de toutes ses forces. Il craint de m'échapper par terre. Je devine à sentir la chaleur moite de sa peau qu'il a peur. Je suis assez fragile, un peu à son image quoi ! Il fait de l'anxiété mon proprio. Il s'effraie pour un rien. Il pète les plombs et se met à tourner en rond. J'en ai alors le tournis, et j'ai peur à mon tour. Peur de vomir, de ne plus pouvoir retrouver le sens de l'horizon. Après quelques circonvolutions de derviche, je m'en fiche. Je me dis que jusqu'à preuve du contraire, je me replace toujours dans le bon sens.
Je l'entends souvent crier à qui veut ou peut l'entendre, ne toucher pas à ma tablette. Elle m'est si précieuse. Et elle coûte cher aussi. Elle est très très très dispendieuse.
Il m'aime d'une passion sans borne. Je le sais à sa manière absolue de me manipuler. Il est fou de moi. Et c'est tout à fait normal, car je suis douce, chaude au touché, brillante comme cela ne se peut pas, et si rapide, qu'il en est souvent ébahi.
Je l'accompagne partout, même que parfois, je prends trop de place. Il en oublie qu'il pourrait utiliser d'autre médium pour écrire ou communiquer. Stylo papier, ordi portable, dictaphone, enregistreur, café repas, téléphone cellulaire, vive voix.
Il m'appelle Page. Avez-vous vu Page par hasard ? Je l'avais laissé au salon sur le buffet. Est-ce que quelqu'un saurait où est Page ?
En réalité, Page est une partie interne de mes cellules. Un logiciel d'écriture qui fonctionne à merveille avec un clavier tactile intégré. Moi j'aime à dire à qui veut m'écouter que je suis la logique au ciel du meilleur logiciel d'écriture qui existe jusqu'à maintenant pour tablette. Je suis aussi et surtout un ensemble de données mathématiques concrètes dans l'intangibilité du ciel. Des Zéros et des uns en combinaison de possibilités infinies.
En fait, je représente son aspect rationnel qui s'amalgame sans vraiment qu'il le réalise à sa capacité poétique de création. L'union entre la raison et la passion. Les connexions neuronales entre son cerveau droit et gauche. Le trait palpable reliant mes nombres et son imagination fertile.
Mon pote est un poète apprenti écrivain pour sa satisfaction personnelle, il n'a jamais réellement tenté de publier sérieusement ou en de rares occasions.
Entre nous, je peux vous avouer qu'il a peur du jugement. Comme si un ou plusieurs refus seraient le gage de sa médiocrité.