P190 — Un jour de quilerage — Christiane
Les flèches de la cathédrale piquaient méchamment le ciel d’automne et les cumulus boursoufflés se vidaient d’une eau grise et glacée lorsqu’une silhouette, difficilement identifiable à travers le rideau des perles d’eau, déboucha de la ruelle des Bozos.
Les villageois s’étaient réfugiés qui dans la supérette, qui sous la halle du marché au grain et, pour passer le temps, ils regardaient cet homme qui se précipitait, tant bien que mal, vers la sortie du patelin. De larges clakezouks multicolores le gênaient dans sa fuite. Sur sa tête, une ziboule poil de carotte menaçait dangereusement de chuter dans les clouques où bouillonnaient les cataractes tombées du ciel. Alors, ce fut une vague irrépressible de rire qui submergea les spectateurs.
C’était tordant de voir ce louzou se démener. En plus, sa regodingue, gonflée par des cerceaux, le grossissaient de façon burlesque. Sous la halle aux grains, petits et grands se tenaient les toques de rigolade. Mais d’où il vient ce louzou ? Ah du cirque. Bah oui bien sûr… Dis maman, on pourra y aller au cirque ? Mais maman n’en pouvait plus de rire. Non c’était trop tordant.
Il y eut alors un énorme clerzac qui illumina les rues mais stoppa net les rires sous la halle au grain. Ici, on se méfiait des clerzacs comme celui-ci. Ils annonçaient un quilerage terrible, un redoublement du déluge et surtout des bolsoultoits ou des cavsoulots catastrophiques à n’en plus finir.
Le louzou, tétanisé s’était immobilisé. La ziboule, comme prévu, naviguait maintenant dans le caniveau et s’engouffra dans la première bouche d’égout. Les pans de la regodingue pendouillaient lamentablement. Son visage n’était plus qu’une palette délavée. Son clouzok lui collait aux botoques qu’il avait maigres comme des baguettes. Sous la halle au grain, Rémi fondit en larmes. Dis maman, on pourra plus le voir le louzou, il va tomber bredingue.
Maman rassura son godot et, malgré les trombes d’eau, se décida à rentrer. Le spectacle était terminé, enfin pour la matinée.